Après le Corona, de nouveaux paradigmes pour le conseiller en prévention

 22/04/20

Lettre d’opinion

 COVID-19

La pandémie de Corona aura un impact majeur sur les futures tâches du conseiller en prévention. L'ancienne façon de travailler avec toutes sortes de listes de contrôle (de sécurité) - même une liste de contrôle de Corona - n'est plus applicable aux exigences de la nouvelle organisation du travail après la pandémie. Je tiens à le démontrer ici, en accordant une attention particulière à l'implication et à la participation des salariés dans les domaines de la santé et de la sécurité.

L'accent est mis sur la différence de point de vue sur la sécurité et la santé dans une organisation mécanique selon l'ancien paradigme et dans une organisation plus organique selon le nouveau paradigme.

La sensibilisation et l'implication des employés sont nécessaires

En général, une bonne coopération entre les employés et les dirigeants est une condition préalable afin d’obtenir un lieu de travail sûr. Chacun doit contribuer à la sécurité et cela à tous les niveaux. Dans la pratique, c’est plus difficile que prévu et les actions visant à les impliquer et sensibiliser ont souvent l'effet disciplinaire inverse. Malheureusement, de nombreuses actions perdront leur effet dans des formalités et dans une nécessité de conformité aux exigences incohérentes, au lieu de garantir une bonne coopération et un engagement en faveur de la sécurité et de la santé. Un exemple paradigmatique est la manière dont la législation en matière de sécurité et de santé est traitée au sein de l'organisation, ainsi que dans les coopérations avec les entrepreneurs et les (sous-)entrepreneurs. Les entrepreneurs et leurs employés doivent également être sensibilisés et impliqués dans la sécurité et la santé.

De nombreuses exigences en matière de santé et de sécurité sont incohérentes et pas fondées. Par exemple, les effets positifs de l'élaboration d'un rapport circonstancié n'ont encore été démontrés, ainsi que de l'élaboration d'un plan d'action annuel ou d'un plan global de prévention. Ces charges administratives disproportionnées empêchent le conseiller en prévention de se concentrer sur ses tâches réelles, c’est-à-dire améliorer la sécurité. Malheureusement, cette amélioration de la sécurité a fait place aux toutes sortes de bureaucraties de sécurité. L'effet positif de toutes sortes d'exigences telles que, par exemple, le check-list LMRA, l'organisation d'une formation normalisée au VCA, la réalisation d'inspections mensuelles sur le lieu de travail ou l'organisation de toolboxmeetings est parfois moins bénéfique pour le lieu de travail. Cela s'applique à de nombreuses autres tâches bureaucratiques que les conseillers en prévention doivent accomplir.

Deux types d'organisations : mécaniques et organiques

Une nouvelle approche en ce qui concerne la prévention peut être illustrée par la division des organisations en deux types : l'organisation mécanique et l'organisation organique. Les organisations mécaniques, telles que les entreprises de l'industrie (pétro)chimique ou du gouvernement, se caractérisent par un contrôle strict du respect d'une multitude de procédures de sécurité. Mintzberg (Mintzberg, 1979) les appelle les organisations bureaucratiques. La prise de décisions dans le domaine de la sécurité se fait à un niveau plus élevé que celui des cadres. Le gouvernement ou les listes de contrôle s'appuient trop sur des organisations mécaniques.

En revanche, dans les organisations organiques, comme dans le secteur du (sous-)entrepreneuriat ou dans des structures organisationnelles plus modernes, la prise de décision dans le domaine de la sécurité se fait à des niveaux inférieurs et l'environnement est plus dynamique. L'organisation est constituée d'équipes de projet temporaires qui changent en permanence. Dans ces organisations organiques, les nouveaux procédés, les nouvelles activités (démolition, échafaudage, gros-oeuvre, finition, techniques, etc.) ou les nouveaux projets sont plus la règle que l'exception.

L'organisation organique se permet donc – en dehors de toute législation et réglementation ou de toute liste de contrôle – d’adapter le système de gestion de la santé et de la sécurité à son propre fonctionnement (Work as Done au lieu de Work as Imagined). Selon M. Wilson, les instructions et les procédures sont plus difficiles à appliquer à ces organisations organiques. Les opérateurs de l'organisation organiques doivent toujours évaluer et réévaluer les situations spécifiques sur place. Des procédures et des instructions rigides ne se combinent pas avec cette évaluation et cette réévaluation continue. Toutefois, il existe un risque de mauvaise interprétation de la situation si la base de connaissances des employés n'est pas suffisamment décentralisée.

Le secteur de la prévention repose actuellement trop sur l'ancien paradigme de l'organisation mécanique. Il en résulte une dissonance cognitive permanente entre les exigences des organisations mécaniques et les exigences des organisations organiques. Les organisations doivent se conformer aux exigences et aux listes de contrôle, parce que les organisations mécaniques l'exigent, mais en même temps il y a un sentiment de malaise face à cette approche rigide. Ce problème ne peut être résolu. La façon de le considérer, les paradigmes utilisés et l'exécution diffèrent tout simplement. Lorsque l'organisation mécanique associe un discours de "forcer" la sécurité à un second discours d'"engager" la sécurité, il s'agit d'un exemple de dissonance cognitive. Le premier discours de "forcer" convient mieux à l'organisation mécanique, tandis que le second discours de "engager" convient mieux à l'organisation organique.

Des événements extérieurs importants, tels que la pandémie de Corona, incitent souvent la société à tout reconsidérer et à tout remettre en question. Dans la sécurité, l'épidémie de Corona devrait accélérer le changement de paradigme, passant d'une vision mécanique à une vision organique.

  • Souhaitez-vous un aperçu schématique de ce changement de paradigme tel que décrit ci-dessus ? Alors, jetez un coup d'œil entre nos documents pratiques. Vous trouverez ces informations par le titre 'Après le Corona, de nouveaux paradigmes pour le conseiller en prévention'.

Des attitudes différentes à l'égard de la sécurité

Les deux organisations, mécanique et organique, ont donc une attitude différente à l'égard de la sécurité. Les habitudes des organisations mécaniques et des organisations organiques sont des paradigmes ou des cadres de pensée différents. De plus, la culture de la sécurité entre les deux organisations est différente, en particulier les normes et les valeurs dans le domaine de la sécurité.

La sécurité institutionnalisée par la législation, oblige les différentes parties intéressées à coopérer. Cette coordination et coopération sont souvent insuffisamment réalisées avec la participation ou la réflexion des parties intéressées. Les instruments de coopération et de coordination existants ne suscitent pas, ou pas suffisamment, la participation et la sensibilisation des employés.

Lors des réunions sur la sécurité ou des toolboxmeetings, on répète souvent qu'il y a une « obligation » de porter un casque. Par exemple : la grue à tour tourne au-dessus du chantier et même pour les travailleurs qui travaillent à l'intérieur, il y a toujours un risque de chute d'objets en quittant le bâtiment, il y a donc l'obligation de porter toujours un casque. Il s'agit d'une méthode de travail directive plutôt que d'une approche participative.

Lors des comités ou des réunions d’entrepreneurs, le rapport précédent est toujours examiné : les accidents survenus, puis les sujets plutôt banals tels que l'ordre et la propreté et la balustrade du deuxième étage qui n'a pas été remplacée. Les tours sont également souvent discutées, à partir de diverses photographies. Ensuite, un tour de table est fait: pour permettre aux participants de participer, pour les impliquer. Bien entendu, le fait de faire cela à la fin n'a que peu d'influence sur la "participation" ou la "conscience".

La participation et la sensibilisation ne peuvent pas, ou bien difficilement, être obtenues par des pratiques formelles telles que des toolboxmeetings ou les réunions formelles. La démonstration de ces réunions est liée à la sécurité formelle, mais n'a pas grande chose à voir avec le « Work as Done » ou avec la situation sur le lieu de travail lui-même.

Dans le paradigme actuel de la science de la sécurité, une approche trop standardisée est utilisée. Une telle approche standardisée n'offrira aucune garantie de sécurité d'exécution. Elle ne garantira qu'un certain formalisme dans l’exécution de la sécurité, par exemple aux inspections sur le lieu de travail, aux toolboxmeetings, aux cours de formation, etc.

De nombreuses exigences de sécurité sont contre-productives ou du moins non fondées sur des preuves

La déclaration des quasi-accidents s'avère aussi souvent avoir l'effet inverse. Au lieu de tirer les leçons de ces "quasi-accidents", on obtient un effet inverse. En discutant de ces rapports, les employés sont plus démotivés que motivés et surtout les effets d'apprentissage - inhérents à une culture de sécurité mature - sont inexistants. De plus, la relation difficile entre "l'accent sur les règles" et "l'implication" donne de l'autodiscipline. Cette autodiscipline engendre à son tour l'aliénation et l'apathie - deux choses que nous ne voulons pas, au contraire, nous voulons être impliqués et conscients - en "signalant nous-mêmes les situations dangereuses".

L'implication et la sensibilisation des employés à la politique de sécurité sont de plus en plus considérées comme le « best practice ». Mais que signifie exactement cette participation ? Le respect des procédures et des instructions ou une sensibilisation personnelle à travailler de manière sûre ? Pour commencer à signaler les situations dangereuses (la loi relative au bien-être au travail, 1996, article 6, 4°) ?

Conclusion

En général, on peut se demander si la participation des travailleurs aux procédures de sécurité formelles actuelles aboutit au bout du compte à un lieu de travail plus sûr. Ce doute descartien et cette pandémie de Corona demandent une nouvelle approche de la sécurité dans laquelle le paradigme des organisations mécaniques avec un formalisme fort et de nombreuses check-lists est remplacé par une approche plus moderne de l'organisation organique. Ce changement de paradigme aura un impact sur les tâches du conseiller en prévention, ce qui est positif. Les tâches seront moins administratives, moins bureaucratiques et plus axées sur ce que nous voulons tous : augmenter la sécurité personnelle sur le lieu de travail.

Jan Dillen

Après le Corona, de nouveaux paradigmes pour le conseiller en prévention

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