Des ambassadeurs invétérés de la sécurité

 06/08/20

Lettre d’opinion

Tels ambassadeurs invétérés, ce qui les motive ? Un témoignage concrèt.

Lorsque vous avez quelques dizaines de projets au compteur, vous repensez inévitablement à des personnes qui, même des années plus tard, continuent de vous marquer. Essentiellement parce qu’elles se sont formellement érigées comme véritables porte-bannières de la sécurité au travail, comme ennemies de toute forme de pression de groupe. Appelez-les ambassadeurs, instigateurs, fortes têtes, ou autrement encore. Peu importe, ils agissent, voilà tout.

L’histoire de ces collaborateurs remarquables m’a toujours infiniment passionnée. Je me souviens comme pas un de Jürgen, chef de chantier dans une grande entreprise de construction. Un homme entier, roi de l’optimisme. Un jour, j’ai eu l’occasion de discuter avec lui, autour d’un café, loin des regards. Très vite, je lui ai demandé ce qui le poussait à être si fanatiquement impliqué dans la sécurité au travail.

Depuis le premier jour de notre programme relatif à une culture durable de la sécurité, Jürgen a été l’un des partisans les plus fanatiques et les plus actifs. Il n’a jamais laissé passer une occasion de mettre sur pied diverses initiatives visant à accroître la sécurité sur les chantiers dont il a été responsable, toutes plus créatives les unes que les autres. « La sécurité avant la productivité » : chez lui, ce ne sont pas des paroles en l’air. Ce qui était notable, c’est qu’il faisait partie de ceux qui obtenaient les meilleurs résultats du groupe en matière de rentabilité des chantiers et, surtout, de motivation des hommes.

Voici ce qu’il a répondu, littéralement :

«Au départ, je suis un homme de terrain. J’ai commencé en bas de l’échelle, comme manœuvre/maçon sur chantier. J’ai donc travaillé longtemps pour une entreprise de restauration. Un jour, alors que ma femme était sur le point d’accoucher de notre fils Benjamin, je travaillais sur le toit d’une église à 45 mètres de haut, non attaché. À l’époque, téméraire que j’étais, je me suis dit qu’on fonctionnait comme cela depuis des années et que rien ne pouvait m’arriver.

À un moment donné, j’ai glissé et j’ai été emporté vers le bas. En une fraction de seconde, j’ai pensé que c’en était fini. Comme par miracle, je me suis retrouvé suspendu à la gouttière, à 30 mètres de haut. Au final, plus de peur que de mal.

Plus tard dans ma carrière, j’ai été contremaître. Nous allions chercher les membres de l’équipe en minibus, dont D. Un beau jour s’est produit ce que personne n’aurait envisagé : peu après le temps de midi, en montant sur un simple échafaudage, D. a trébuché sur la plate-forme, avant de passer entre les équipements de protection collective et de heurter le sol. Blessé, et avec un pronostic vital engagé, il a été emmené à l'hôpital, où il décédé le lendemain.

Tu n’ imagines pas avec quel horrible sentiment nous, les membres l’équipe 1, avons pris le chemin du retour ce jour-là. Cela a été épouvantable de devoir ramener sa glacière et ses outils chez lui. Je ne le souhaite à personne.»

Pendant de longues minutes, Jürgen a regardé fixement devant lui. Comme si ces deux drames se rejouaient sous ses yeux.

«Ces deux épisodes ont fondamentalement changé ma façon de voir la vie, mais ont surtout définitivement fait passer dans une autre dimension le regard que je porte sur la sécurité au travail. Depuis lors, je tâche quotidiennement de sensibiliser mon entourage quant à l’importance de faire primer la sécurité. Tout compte fait, on n’a qu’une vie.»

En rentrant chez moi, je me suis demandé s’il fallait toujours vivre un accident traumatisant ou (presque) fatal avant d’être habité jusqu’au bout des ongles de cette nécessité d’adapter à tout moment son comportement aux risques en présence. J’espère que non!

Anne-Marie Vanhooren

Consultant Senior Culture de sécurité - Stepstones for safety

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