Gestion des agressions en temps de crise sanitaire : 10 indicateurs
DANS LA PRESSE
« Un chauffeur de bus De Lijn de 55 ans craint de contracter le COVID-19 après avoir essuyé le crachat d’un passager agressif jeudi dernier [...]. »
« Incertitude et tension sociale en Inde à cause de la menace du nouveau coronavirus [...]. »
« En temps normal, la violence à l’encontre des soignants et des forces de l’ordre constitue déjà un problème, et en pleine crise, le risque de violence verbale ou même physique est encore plus important pour les ambulanciers, infirmiers, médecins, pompiers et agents dans l’exercice de leurs fonctions [...]. »
« Ils sont insultés, essuient des crachats, et ils sont parfois même caillassés. Des Belges bloqués en Afrique et en Amérique du Sud témoignent de la vision qu’a cette partie du monde du COVID-19 : ce dernier est considéré comme la “maladie des blancs” et les agressions envers eux ne font qu’augmenter [...]. »
« Ces derniers jours, nous constatons un petit jeu qui consiste à cracher sur les agents [...] »
« Montée des agressions dans les magasins : les gens sont lassés de la situation liée au coronavirus et de plus en plus de commerces doivent faire face aux réactions agressives de certains clients qui en ont assez des mesures sanitaires [...]. »
Depuis le début de la crise sanitaire, les médias relaient de très nombreux incidents. Nous les remarquons également en allant faire nos courses, dans la rue, ou partout où nous sommes amenés à nous croiser. Nous montrons les autres du doigt et notre patience s’est émoussée. En soi, c’est une réaction tout à fait humaine. Certains de nos besoins primaires, comme l’autonomie, la solidarité et le contrôle, sont mis à mal.
On nous impose de voir moins de monde. Nos contacts sont plus limités, tant au niveau physique que mental, et nous n’avons pas d’emprise sur l’évolution de notre ennemi commun. Suffisamment de raisons qui viennent ajouter à notre quotidien une dose supplémentaire de tension. Lorsqu’une situation donnée engendre un stress supplémentaire, il est normal de parfois perdre le fil et de se laisser aller à des réactions agressives, ou du moins plus agressives que souhaité. La question est la suivante : comment aborder cette problématique ?
Nous remarquons aussi que le processus d’identification sociale se renforce, ce qui peut aussi être un bouillon de culture pour les agressions. De manière sélective, nous allons percevoir des caractéristiques positives prédominantes au sein de notre groupe social, comme nous le ferons pour les caractéristiques négatives chez les autres. Cela crée des idées préconçues qui naissent d’un besoin d’avoir une image positive du groupe auquel nous appartenons et d’un besoin d’avoir une image positive de soi. Notre ennemi invisible et insidieux, le COVID-19, est attribué au comportement inadapté des autres groupes sociaux, sans que cela ne soit basé sur des faits rationnels. Les groupes vont se faire face et ainsi se sentir plus forts et sécurisés, ce qui va venir amplifier les comportements agressifs envers « autrui ».
Une augmentation des violences domestiques est également constatée, laquelle est due aux mesures de distanciation sociale imposées, nombre de pays ayant demandé à leurs citoyens de rester chez eux pendant une période donnée. Un stress plus important au sein de la sphère familiale, combiné à l’association télétravail-famille, engendre une augmentation de la violence dans les familles et entre partenaires. En temps normal, les victimes sont déjà réticentes à l’idée de demander de l’aide, rongées par un sentiment de honte et/ou de culpabilité. Actuellement, la bulle de contact limitée ne facilite pas les aides.
Les mesures liées au COVID-19 qui nous serons encore imposées pendant un bon moment, et dont on ne sait pas si elles seront assouplies ou, au contraire, renforcées, engendrent du stress et de la tension, tant au niveau individuel qu’au niveau du groupe. L’impact est d’envergure, tant pour la sphère privée que professionnelle. En tant qu’entreprise, nous ne pouvons donc en aucun cas manquer de vigilance en matière d’agression (potentielle). Comment pouvons-nous agir?
10 INDICATEURS
Agir en matière d’agression n’impliquera en aucun cas une action simple et unique d’une seule personne ou d’un seul groupe. Il s’agit d’un problème universel qui doit être abordé et considéré sous divers angles. Nous pouvons bien entendu apporter notre pierre à l’édifice à différents niveaux et à différents moments (avant, pendant ou après un incident). Les 10 indicateurs présentés ci-dessous ont pour but de mettre les organisations sur la bonne voie. Cinq d’entre eux concernent la prévention, tandis que les cinq autres visent à apprendre des incidents survenus, dans le but d’être mieux préparés à l’avenir.
Renforcer l'action préventive
Les cinq premiers indicateurs sont principalement orientés sur l’acquisition et le partage de connaissances au niveau individuel, au niveau de l’équipe et au niveau de l’organisation.
INDICATEUR 1 : « Photographier » la situation du moment dans votre organisation à travers une analyse des risques ou un audit.
Avant d’agir, il va de soi qu’une évaluation de la situation doit d'abord avoir lieu. Les agressions sont-elles plus fréquentes à cause de la crise sanitaire ? Si oui, à quel point ? Des situations de nature similaire se manifestent-elles régulièrement ? Votre organisation a-t-elle déjà une politique en matière d’agression ? Dispose-t-elle des chiffres d’avant crise en ce qui concerne les agressions ? Une comparaison avant/après est possible via un même sondage/une même enquête. Si ce n’est pas le cas, l’organisation peut, de manière subjective, opter pour une analyse limitée ou très élargie. Divers outils permettant pareil sondage interne existent.
INDICATEUR 2 : Accompagnement du management, des ressources humaines (RH) et du conseiller interne en prévention dans l’optimisation de la politique en matière d’agression pendant la crise.
Votre organisation souhaite aborder la problématique des agressions ? Il est alors crucial que le projet soit porté par tous et qu’un ordre clair vienne de plus haut. Il convient de commencer par distiller des informations claires et qualitatives concernant une approche potentielle, et ce, tant aux décideurs qu’aux personnes au sein de l’organisation qui seront chargées de l’exécution.
INDICATEUR 3 : Renforcez les compétences de vos responsables : comment peuvent-ils aborder la problématique et soutenir leurs équipes en la matière ?
Une fois une vision claire établie et une politique mise en place, l’étape suivante consiste à former les responsables, tant sur le contenu de l’approche que sur le soutien à proposer à leurs équipes.
INDICATEUR 4 : La formation des collaborateurs : comment gérer les différents types d’agression ?
Renforcez les compétences des collaborateurs : informez-les à propos des différents types d’agression et enseignez-leur comment avoir un impact positif ou négatif, via leurs attitudes et leurs réactions, sur les comportements agressifs d’autrui. Il est important de ne pas se contenter de miser simplement sur les formations des collaborateurs. Ces dernières doivent être intégrées à une politique qui prend en compte les 3 indicateurs précités.
INDICATEUR 5 : Formation des personnes de confiance : comment offrir un soutien en lien avec les questions relatives à la crise du COVID-19 ?
Vous vous sentez mal ou vous trouvez dans une situation qui est difficilement abordable avec vos collègues ou votre responsable ? Dans de très nombreuses organisations, des personnes de confiance sont à votre écoute. Elles se rendent disponibles, en complément du poste qu’elles occupent dans l’entreprise. Dans cette situation de crise sanitaire, ces personnes de confiance peuvent être confrontées à des questions liées au stress ou à des agressions. Par conséquent, il est recommandé de les soutenir préventivement en venant renforcer leurs compétences en la matière.
Apprendre des événements survenus
Les cinq derniers indicateurs ont pour but d’aider à évaluer, à partir d’un ou plusieurs incidents (agressions), afin de faire ressortir les éléments qui ont été bien ou moins bien gérés, et ainsi permettre de venir adapter la politique agression si nécessaire. Attention : ne procédez pas trop rapidement à des modifications sous le coup de l’émotion. Il est important de pouvoir prendre suffisamment de distance par rapport à l’incident afin de pouvoir prendre des décisions rationnelles sur le long terme. Les questions ci-après permettent d’aborder la situation sous différents angles.
INDICATEUR 6 : Moi, que puis-je faire ?
Après un incident (agression), il est important de soutenir adéquatement les collaborateurs, à savoir les personnes concernées/impliquées, mais également les personnes qui auraient assisté à l’incident. Si ce n’est pas le cas, ces personnes se sentiront laissées pour compte par l’entreprise et il pourra être question de victimisation secondaire. Elles montreront très rapidement l’entreprise du doigt et auront plus de difficultés à porter un regard sur leur rôle dans ce qu’il s’est passé. Une agression nait cependant toujours d’une dynamique particulière dans la communication. Si même vous n’aviez pas d’emprise sur les causes de l’agression, il est possible d’accentuer ou d’atténuer cette dernière, rien que par l’attitude. Y réfléchir et considérer, en tant qu’individu, une adaptation de vos agissements pour l’avenir aide déjà à vous sentir plus en sécurité et à vous remettre au travail avec davantage de confiance.
INDICATEUR 7 : Que pouvons-nous faire en tant qu’équipe ?
Outre l’individu, l’équipe peut également apprendre de situations indésirables. Que s’est-il passé ? Sur le moment, aurions-nous pu réagir différemment en tant qu’équipe ? Y a-t-il des situations spécifiques dont la cause est liée au COVID-19 et auxquelles nous pourrions mieux nous préparer ? Existe-t-il un canevas et pouvons-nous en tant qu’équipe y intégrer et garder nos limites ? Il est recommandé de s’entretenir avec l’équipe sur ces questions.
INDICATEUR 8 : Qu’attend-on du responsable ?
La gestion d’équipe n’est pas facilitée par la crise sanitaire. Les équipes travaillent parfois à distance (télétravail). Sur le lieu de travail, il convient de tenir compte de nombreuses règles supplémentaires. Les réactions (stress) liées à la crise peuvent être très différentes et accentuer la dynamique existante dans l’équipe. Il convient de garder un œil sur les personnes qui ont été confrontées à un incident (agression) et sur les membres de leur équipe, même si les conditions sont peut-être difficiles en temps de crise.
INDICATEUR 9 : Qu’attend-on de l’entreprise ?
Un incident a-t-il créé des attentes spécifiques chez les collaborateurs vis-à-vis de l’entreprise ? Un soutien supplémentaire doit-il être prévu pour l’un des piliers de l’organisation (infrastructure, renforcement des compétences, etc.) ? Sonder les collaborateurs et communiquer sur les actions potentielles démontre l’implication de l’organisation.
INDICATEUR 10 : Quel rôle de soutien jouent le conseiller interne en prévention et la personne de confiance ?
D’ordinaire, les incidents (agression) ont lieu lors des contacts avec des visiteurs, des clients ou d’autres personnes qui ne travaillent pas pour l’entreprise. Ces incidents doivent être repris dans le registre des agressions par des tiers (il s’agit d’une obligation légale). Outre l’enregistrement de ces faits, le conseiller interne en prévention et la personne de confiance jouent-ils un autre rôle actif ? Dans ce registre, des situations récurrentes ou liées à la crise (COVID-19) sont-elles constatées ? Des mesures structurelles peuvent-elles être prises ?
CONCLUSION
Toute organisation doit analyser sa situation et considérer ce qu’elle peut retirer des indicateurs précités. Il est crucial d’évaluer à différents moments (avant, pendant et après les incidents) et à différents niveaux (individu, équipe et entreprise) afin d’arriver, en ces temps de crise sanitaire, à une approche aussi complète que possible en matière d’agression. Il est toujours possible de solliciter l’aide de votre service externe pour la prévention et la protection au travail. Il vous accompagnera en vous proposant divers outils et savoir-faire spécifiques.
Ineke Van den Zegel - Conseiller en prévention psychosociale
Sources:
Brewer, M.B., The role of ethnocentrisme in intergroup conflict, in Worchel, S., W.G. Austin (cds.). The social psychology of intergroup relations, Monterrey, Brooks/Cole, 1979.
Delvaux, E., & Van den Zegel, I. (2019). Agressiewijs. Gids voor agressie op het werk. (1ste editie). Heule, België: INNI publishers.
Godderis, L., (2020, 22 april). Hoe omgaan met agressie op het werk in Coronatijden? Idewe. Geraadpleegd van https://www.idewe.be/-/agressie-in-tijden-van-corona
Tajfel, H., J. Turner, An integrative theory of intergroup conflict, in Austin, W.G., S. Worchel, The social psychology of intergroup relations, Monterrey, Brooks/Cole, 1979.
UGent (2020, 13 april). Huiselijk geweld in België in tijden van Corona. Geraadpleegd van https://www.ugent.be/nl/actuee...
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